vendredi 1 mars 2019

Mark Hollis et Talk Talk (Hommage)



Un exercice auquel je ne me suis jamais rompu auparavant sur ce blog, même si cela m’a brûlé plus d’une fois les doigts ces dernières années (Bashung, Bowie et tant d’autres) : l’hommage à un artiste. Parce que là, avec la disparition de Mister Hollis, c’est une part de mon enfance jusqu’à aujourd’hui qui est touchée. Et surtout, que j’ai du mal à m’en remettre depuis ce lundi soir où, avant de me coucher, j’ai appris cette terrible nouvelle, sans trop y croire d’ailleurs

Je me souviens de pleins de moments associés à la musique de ce grand monsieur et de son groupe. Tout d’abord, des souvenirs radiophoniques avec It’s my Life et Such a Shame en heavy rotation sur les ondes de l’époque. Souvenirs télévisuels aussi, avec des clips et une pub avec voiture rouge qui « écrivait » sur le sable d’une plage. La musique de ce groupe a toujours été différente : des tubes, dans les années 80 avec des longueurs dépassant allègrement les 3mn autorisées pour passer à la radio. Ou comme, par exemple Such a shame qui ne veut pas se terminer.


Ensuite, comme je l’écrivais sur Rate my music, il y a quelques années pour l’album The Colour of Spring : « Je ne sais toujours pas pourquoi mon père a un jour acheté cette cassette (il ne s'en rappelle plus !), mais il a bien fait ! Cet album tournait en boucle dans la voiture, jusqu'à l'usure fatale un jour. Un disque qui m'a ouvert à d'autres sons, à des instruments bizarres (solos d'harmonica puissant, guitares destroys... et ce n'était que le début !!), à des chants bizarres (chœurs d'enfants pas très justes, chœurs d'églises puissants...), à la voix magnifique d'Hollis et à cette basse chaude. Un disque qui n'a pas vieillit (comme quoi, même pour un album des années 80, c'est possible !) et qui me rappelle les virées familiales en Bretagne, pour voir mes grands-parents. Le temps passait plus vite pendant ces deux heures de Talk Talk. »


Et quel pied de nez à chaque nouvelle sortie. The Color of Spring qui succède aux hits de It’s my life, plus élaboré, différent et novateur (cette contrebasse ; l’harmonica de Feltham qui claque encore aujourd’hui ; ces respirations casse-gueule que sont April 5th ou Chameleon Day ; ces longs morceaux avec des passages répétitifs (le début de Happiness is easy) …


J’ai pris mon temps à écouter et découvrir la suite. Pour Spirit of Eden, c’est avec mon poto Anthony qu’on refaisait le monde en l’écoutant dans sa chambre, des après-midi entiers. Des disques avec des pochettes qui intriguaient ! Combien de temps j’ai pu décortiquer ces dessins (encore maintenant, quand je pose le disque sur la platine, je pars avec ces illustrations). Je lisais ces derniers jours, un article qui parlait d’album en avance sur son temps pour évoquer Spirit of Eden. C’est vrai ! Il est encore plus exigeant : longs titres planants, ou tristes, ou les deux, gorgés de grâce ! J’ai acheté ce disque chez un soldeur à Angers, heureux de ma trouvaille à pas cher et reprenant une claque en redécouvrant cette fabuleuse musique (et ces instruments qui étaient différents : les hautbois, les cordes…)



J’ai trouvé la cassette de Laughing Stock dans un bac à point d’exclamation jaune, au milieu des années 90. Là encore, je fus instantanément happé par l’album, cette voix toujours plus surprenante (presque méconnaissable sur Myrrhman, les dissonances dans des titres calmes et apaisés (cette guitare acérée qui « malmène » After the flood pendant une minute, les riffs lourds sur Ascension Day), ces silences toujours aussi importants que les notes placées méthodiquement et avec parcimonie. Délicat mais bousculant, gracieux mais aussi glaçant. Ces deux disques ont souvent été mes disques des redescentes de soirées, des fins de fêtes, des moments apaisants après la cohue, des périodes tristes, des moments pour se retrouver seul avec soi-même… Des disques importants donc, des œuvres intemporelles gravées en soi. Chaque note de piano égrenée, chaque glissé de doigts sur des cordes, chaque coup sec sur la caisse claire est important ! Je pense que Talk Talk m’a permis d’apprécier des musiques plus « difficiles » et élaborées, en rendant (transformant) sa musique plus complexe. En effet, pas de Talk Talk, peut-être pas de découverte de Can, de Radiohead, d’artiste récents comme Ryley Walker dont j’ai vu une représentation Talk Talkienne à Nantes il y a un couple d’années … Voir, ces mots si justes de différents artistes à propos de Mark (et Talk Talk) et son influence : ICI




Pour l’album solo de Mark, que je lorgnais lors de sa sortie sur la borne « les disques du mois » de l’ancien Dixie Disque de Cholet (mais sans l’acheter), je l’ai acquis quelques années plus tard en occase sur le net. Un disque comme ceci ne s’achète pas à la légère et se mérite. Et surtout, il faut oser et être prêt à l’expérience. J’étais seul à apprécier cette musique toujours plus exigeante. Avec ce disque, la notion de temps est encore plus abstraite, les éléments se mettant en place progressivement (les 3 premières minutes de A life (1895-1915), et ensuite c’est carrément l’extase !). La voix de Mark se fait fragile et toujours autant touchante.


Voilà, c’est pour toutes ces raisons que sa disparition me bouleverse et me marque. Et que j’écoute ces (ses) disques sans jamais me lasser, étant toujours chamboulé après ces nombreuses écoutes. Je peux dire sans retenue que ce groupe, cette voix, ce mec ont changé ma vie. Moi, tout seul avec cette formidable musique, quel plaisir solitaire et quel pied ! Happiness is easy !

La bises !

Arno

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