Un exercice auquel je ne me suis jamais rompu auparavant sur
ce blog, même si cela m’a brûlé plus d’une fois les doigts ces dernières années
(Bashung, Bowie et tant d’autres) : l’hommage à un artiste. Parce que là,
avec la disparition de Mister Hollis, c’est une part de mon enfance jusqu’à
aujourd’hui qui est touchée. Et surtout, que j’ai du mal à m’en remettre depuis
ce lundi soir où, avant de me coucher, j’ai appris cette terrible nouvelle,
sans trop y croire d’ailleurs
Je me souviens de pleins de moments associés à la musique de
ce grand monsieur et de son groupe. Tout d’abord, des souvenirs radiophoniques
avec It’s my Life et Such a Shame en heavy rotation sur les ondes de l’époque. Souvenirs
télévisuels aussi, avec des clips et une pub avec voiture rouge qui « écrivait »
sur le sable d’une plage. La musique de ce groupe a toujours été différente :
des tubes, dans les années 80 avec des longueurs dépassant allègrement les 3mn
autorisées pour passer à la radio. Ou comme, par exemple Such a shame qui ne
veut pas se terminer.
Ensuite, comme je l’écrivais sur Rate my music, il y a
quelques années pour l’album The Colour of Spring : « Je ne sais
toujours pas pourquoi mon père a un jour acheté cette cassette (il ne s'en
rappelle plus !), mais il a bien fait ! Cet album tournait en boucle dans la
voiture, jusqu'à l'usure fatale un jour. Un disque qui m'a ouvert à d'autres
sons, à des instruments bizarres (solos d'harmonica puissant, guitares
destroys... et ce n'était que le début !!), à des chants bizarres (chœurs
d'enfants pas très justes, chœurs d'églises puissants...), à la voix magnifique
d'Hollis et à cette basse chaude. Un disque qui n'a pas vieillit (comme quoi,
même pour un album des années 80, c'est possible !) et qui me rappelle les
virées familiales en Bretagne, pour voir mes grands-parents. Le temps passait
plus vite pendant ces deux heures de Talk Talk. »
Et quel pied de nez à chaque nouvelle sortie. The Color of
Spring qui succède aux hits de It’s my life, plus élaboré, différent et
novateur (cette contrebasse ; l’harmonica de Feltham qui claque encore
aujourd’hui ; ces respirations casse-gueule que sont April 5th ou Chameleon Day
; ces longs morceaux avec des passages répétitifs (le début de Happiness is
easy) …
J’ai pris mon temps à écouter et découvrir la suite. Pour
Spirit of Eden, c’est avec mon poto Anthony qu’on refaisait le monde en l’écoutant
dans sa chambre, des après-midi entiers. Des disques avec des pochettes qui
intriguaient ! Combien de temps j’ai pu décortiquer ces dessins (encore
maintenant, quand je pose le disque sur la platine, je pars avec ces
illustrations). Je lisais ces derniers jours, un article qui parlait d’album en
avance sur son temps pour évoquer Spirit of Eden. C’est vrai ! Il est
encore plus exigeant : longs titres planants, ou tristes, ou les deux, gorgés
de grâce ! J’ai acheté ce disque chez un soldeur à Angers, heureux de ma
trouvaille à pas cher et reprenant une claque en redécouvrant cette fabuleuse
musique (et ces instruments qui étaient différents : les hautbois, les
cordes…)
J’ai trouvé la cassette de Laughing Stock dans un bac à
point d’exclamation jaune, au milieu des années 90. Là encore, je fus
instantanément happé par l’album, cette voix toujours plus surprenante (presque
méconnaissable sur Myrrhman, les dissonances dans des titres calmes et apaisés
(cette guitare acérée qui « malmène » After the flood pendant une
minute, les riffs lourds sur Ascension Day), ces silences toujours aussi
importants que les notes placées méthodiquement et avec parcimonie. Délicat
mais bousculant, gracieux mais aussi glaçant. Ces deux disques ont souvent été
mes disques des redescentes de soirées, des fins de fêtes, des moments apaisants
après la cohue, des périodes tristes, des moments pour se retrouver seul avec
soi-même… Des disques importants donc, des œuvres intemporelles gravées en soi.
Chaque note de piano égrenée, chaque glissé de doigts sur des cordes, chaque
coup sec sur la caisse claire est important ! Je pense que Talk Talk m’a
permis d’apprécier des musiques plus « difficiles » et élaborées, en
rendant (transformant) sa musique plus complexe. En effet, pas de Talk Talk, peut-être
pas de découverte de Can, de Radiohead, d’artiste récents comme Ryley Walker
dont j’ai vu une représentation Talk Talkienne à Nantes il y a un couple d’années
… Voir, ces mots si justes de différents artistes à propos de Mark (et Talk Talk) et son influence : ICI
Pour l’album solo de Mark, que je lorgnais lors de sa sortie
sur la borne « les disques du mois » de l’ancien Dixie Disque de
Cholet (mais sans l’acheter), je l’ai acquis quelques années plus tard en
occase sur le net. Un disque comme ceci ne s’achète pas à la légère et se
mérite. Et surtout, il faut oser et être prêt à l’expérience. J’étais seul à apprécier
cette musique toujours plus exigeante. Avec ce disque, la notion de temps est encore
plus abstraite, les éléments se mettant en place progressivement (les 3
premières minutes de A life (1895-1915), et ensuite c’est carrément l’extase !).
La voix de Mark se fait fragile et toujours autant touchante.
Voilà, c’est pour toutes ces raisons que sa disparition me
bouleverse et me marque. Et que j’écoute ces (ses) disques sans jamais me
lasser, étant toujours chamboulé après ces nombreuses écoutes. Je peux dire sans retenue
que ce groupe, cette voix, ce mec ont changé ma vie. Moi, tout seul avec cette
formidable musique, quel plaisir solitaire et quel pied ! Happiness is easy !
La bises !
Arno
La bises !
Arno
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